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Mange l'art mange 3.0, installation 2012

Centre d’exposition Léo-Ayotte, Centre des arts de Shawinigan
du 5 avril au 6 mai 2012


Sur le site naturel de Punta Tombo en Patagonie, les manchots de Magellan sont rois et maîtres. Nous sommes les humbles visiteurs sur ce territoire qui leur appartient. Dans ce lieu grandiose au bord de l’Atlantique, l’humain doit se faire petit, ce qui n’est pas dans ses habitudes. Dans le projet de création Mange l’art mange, il y a cette idée d’humilité devant la nature. Une idée de tendre la main vers l’animal, une des premières sources d’inspiration pour les créateurs durant la Préhistoire. Un clin d’œil à Darwin, pour qui « les humains ne sont pas des êtres à part sur la planète, ils ont évolué en vertu des mêmes principes qui opèrent partout ailleurs dans le monde vivant »1.

Dans cette recherche, mes interventions dans la nature mettent en jeu des œuvres d’art comestibles, faites de pâte à pain, offertes en pâture aux animaux sur différents sites à la ville et à la campagne. Pour ajouter de l’ironie à cette manœuvre, mes sculptures abordent différents aspects de la vie humaine sans aucune importance pour l’animal (le temps, la philosophie, l’art, etc.).

Pour capter ces interventions en nature, j’ai utilisé des caméras de surveillance employées à la chasse. Elles se déclenchent par le mouvement, révélant l’animal dans son intimité à la manière des caméras de surveillance installées partout dans nos villes. L’artiste a peu de contrôle sur le processus de captation des images. L’animal n’est pas la proie, mais le prédateur par rapport à l’œuvre de l’artiste. Il a même son mot à dire dans la composition de l’image!

De toute cette matière première (photographique et vidéographique) est ressortie une exposition mettant en scène des toiles numériques, des dessins et une vidéo (docu-fiction) où je souligne, par différents moyens visuels, le point de rupture entre la pensée humaine et animale. Les toiles, recto verso, sont ouvertes au centre, permettant ainsi aux visiteurs de passer à travers, une incursion dans le monde animal. Le noir et blanc, présent dans l’ensemble des images, crée une distance avec les couleurs de la nature.

Les premières versions de ce projet étaient présentées à l’extérieur dans la nature. En galerie, la version 3.0 de Mange l’art mange prend une forme installative, intégrant une structure évoquant une cache utilisée pour la chasse. Cet observatoire, recouvert d’un matériau pauvre (la toile de jute) formalise l’idée de la surveillance qui incombe maintenant aux visiteurs du lieu d’exposition. Le visiteur est appelé à monter dans cette cache pour devenir le prédateur face aux œuvres comestibles, installées sur des socles noirs à la manière des musées. La toile de jute, en contraste avec l’aspect technologique du processus, est le support de fragments de toiles illustrant les animaux qui ont, sans prétention, collaboré à ce projet artistique.

  1. Ernst Mayr, Darwin et la pensée moderne de l’évolution, Éditions O. Jacob, 1993, p. 16.

Visionnez ici la vidéo La recette présentée dans le cadre de l'exposition :